Action civile de la société est la seule recevable en abus des biens sociaux Le délit d'abus des biens sociaux n'occasionne un dommage...

Le délit d’abus des biens sociaux n’occasionne un dommage personnel et direct qu’à la société elle-même et non à chaque associé Chambre criminelle du 5 décembre 2001 01-80065

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67. Le délit d’abus des biens sociaux n’occasionne un dommage personnel et direct qu’à la société elle-même et non à chaque associé, ainsi, n’est pas recevable l’action civile exercée à titre personnel par l’une des associés de la SARL qui invoque un préjudice résultant des agissements frauduleux du prévenu et constitué par la perte de chance de percevoir des dividendes de la société et par l’absence de remboursement intégral des avances qu’elle a effectuées en compte courant.
Crim.  5 déc. 2001 : RSC 2002. 830, obs. REBUT
Code de procédure pénale 2006

 

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 5 décembre 2001
N° de pourvoi: 01-80065 

Président : M. COTTE, président

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq décembre deux mille un, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de la société civile professionnelle URTIN-PETIT et ROUSSEAU-VAN TROYEN, et de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– Y… Jean,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’AGEN, chambre correctionnelle, en date du 9 novembre 2000, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre lui pour abus de biens sociaux, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 425-4 de la loi du 24 juillet 1966, 2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a condamné Jean Y…, le gérant de la société AGGI, coupable d’abus de biens sociaux, à verser à Fernande X…, associée, la somme de 120 000 francs en réparation de son préjudice personnel ;

« aux motifs que « Jean Y… est poursuivi et condamné pour avoir en tant que gérant de la SARL AGGI eu un compte courant débiteur de 220 000 francs entre décembre 1991 et juin 1994 … ;

« que si le préjudice subi par la société correspond bien au déficit de trésorerie, il n’est à aucun moment prouvé qu’en l’absence du compte courant débiteur, un bénéfice équivalent aurait été intégralement distribué par l’assemblée générale sous forme de dividendes ; que, dans ces conditions, la partie civile ne peut se prévaloir d’un préjudice égal à la moitié des sommes ayant figuré au débit du compte et à la moitié des frais de déplacements injustifiés ;

« qu’elle peut seulement se prévaloir de la perte d’une chance de percevoir des dividendes ; que la probabilité de recevoir des dividendes n’est pas discutable puisque la société jusqu’à la perte de son unique client n’avait pas de difficultés majeures et qu’elle aurait certainement distribué des bénéfices si Jean Y… ne s’était pas rendu coupable d’abus de biens sociaux et ne l’avait pas privé d’une partie non négligeable de sa trésorerie ;

« que le chef de préjudice doit être évalué à 100 000 francs ; « que de la même manière, les agissements de Jean Y… ont privé Fernande X… d’une chance de recouvrer tout ou partie des sommes dont la société restait débitrice envers elle après qu’elle ait mis à sa disposition la somme de 92 000 francs ;

« que ces fonds empruntés par la partie civile auprès d’une banque n’ont été remboursés par son associé en qualité de caution qu’à hauteur de 51 000 francs et que le solde restant dû aurait probablement été payé par la société avant sa mise en liquidation judiciaire ;

« que de ce chef le préjudice doit être évalué à 30 000 francs » ;

« alors que, d’une part, l’action civile appartient à ceux qui ont personnellement souffert du dommage découlant directement des faits, objet de la poursuite ; qu’il s’ensuit que, pour que l’associé d’une société puisse exercer en son nom personnel l’action civile, il lui appartient de rapporter la preuve que les agissements reprochés au prévenu l’ont privé d’une partie des bénéfices ou ont entraîné une minoration de ses titres ; qu’en ce qui concerne les dividendes, la trésorerie d’une société, constituée des fonds disponibles, ne peut en aucun cas être assimilée à un bénéfice partageable et que pour mesurer l’impact d’un déficit de trésorerie sur le résultat d’une société il convient de rechercher le coût financier engendré par ce déficit ; qu’en se bornant à constater que la société AGGI aurait certainement distribué des bénéfices si Jean Y… ne l’avait pas privé d’une partie non négligeable de sa trésorerie sans procéder à cette recherche, la cour d’appel a entaché sa décision d’un manque de base légale ;

« alors que, d’autre part, les juges du fond sont tenus de répondre à tous les moyens invoqués par les parties ; qu’à cet égard, l’associé faisait valoir qu’aucune distribution de dividendes n’avait eu lieu depuis la création de la société en 1988 malgré l’existence d’un compte courant créditeur et que rien ne permettait donc de considérer qu’en l’absence du compte courant débiteur de 1991 à 1994, la société aurait été en mesure de procéder à une telle distribution, la trésorerie d’une société ne pouvant en aucun cas être assimilée à un bénéfice partageable ; qu’en s’abstenant de répondre à cet argument péremptoire duquel il ressortait que la non-distribution de dividende était étrangère au compte courant déficitaire de la société, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de réponse à conclusions ;

« alors qu’enfin, en relevant que le solde du prêt mis à la disposition de la société restant dû aurait « probablement » été payé par celle-ci en l’absence de compte courant débiteur, la cour d’appel s’est prononcée par un motif hypothétique qui équivaut à une absence de motifs » ;

Vu les articles L. 241-3, 4 , du Code de commerce et 2 du Code de procédure pénale ;

Attendu que le délit d’abus de biens sociaux n’occasionne un dommage personnel et direct qu’à la société elle-même et non à chaque associé ;

Attendu que, pour déclarer recevable l’action civile exercée à titre personnel par Fernande X…, associée de la société à responsabilité limitée AGGI et lui allouer des dommages-intérêts, les juges énoncent que son préjudice, résultant des agissements frauduleux de Jean Y…, est constitué par la perte de chance de percevoir des dividendes de la société et par l’absence de remboursement intégral des avances qu’elle a effectuées en compte courant ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe susénoncé ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Et attendu qu’il ne reste plus rien à juger ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt de la cour d’appel d’Agen, en date du 9 novembre 2000 ;

DIT n’y avoir lieu à RENVOI ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel d’Agen, sa mention en marge où à la suite de l’arrêt annulé ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Dulin conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Di Guardia ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Analyse
Décision attaquée : cour d’appel d’AGEN chambre correctionnelle , du 9 novembre 2000

Titrages et résumés : ACTION CIVILE – Recevabilité – Abus de biens sociaux – Société à responsabilité limitée – Associé (non).
null

Textes appliqués :
Code de commerce L241-3, 4°
Code de procédure pénale 2

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